Qu’est-ce qu’un accélérateur de particules ?

Un accélérateur est une machine capable de communiquer à des particules chargées électriquement, électrons ou ions, une énergie importante en général au moins égale, mais souvent très supérieure à 1 MeV. Sinon on parle plutôt de « tubes électroniques » tels ceux qui alimentent les radars de puissance ou les « magnétrons » de nos fours micro-ondes :
1 MeV = 1 Mega électron-volt = Énergie égale à celle imprimée à un électron par un potentiel de 1 million de volts.
Cette unité est toujours adoptée, car si on l’exprime en unités usuelles on obtient
1 MeV = 1,6 10-13 Joules, dont on voit bien que c’est une quantité peu agréable à manipuler !

Il existe de nombreux types différents d’accélérateurs : linéaires, circulaires, électrostatiques ou « RF » (radio fréquence : accélération par des ondes électromagnétiques). Leur point commun est que les particules ne sont pas confinées dans des tuyaux, comme des liquides, mais sont confinés par les champs magnétiques et accélérés par les champs électriques qu’on leur applique. Ils sont quand même dans des « tuyaux », mais ceux-ci servent, en fait, à réaliser le vide en évacuant les molécules de l’atmosphère du voisinage des particules accélérées : sinon, celles-ci seraient diffusées dans toutes les directions par ces molécules. Certains de ces « tubes » servent également à guider les champs électriques utilisés dans le processus d’accélération.
La construction de ces machines fait appel à de nombreuses technologies (calcul numérique, ultravide, magnétisme, optique, électronique rapide, informatique, etc…). C’est un domaine de la physique très riche, où les progrès sont continus et les applications nombreuses.
Ajoutons que les machines sont confinées et entourées de béton destiné à assurer la radioprotection contre les radiations provoquées par les pertes de particules en divers endroits : ceci fait que les accélérateurs ne sont pas « visibles » car généralement situés dans les sous-sols de laboratoires de recherche ou d’hôpitaux. Ces machines peuvent être petites (quelques mètres pour des accélérateurs de quelques MeV) ou très grandes (27 km pour l’anneau à protons de 7 TeV (7000 GeV) du CERN à Genève).

A quoi servent les accélérateurs de particules ?

Les accélérateurs d’énergie modeste (quelques MeV au plus)sont les plus répandus dans la vie courante. En particulier, ils servent d’irradiateurs :
stérilisation de matériel médical (instruments, seringues, etc…)
conservation d’aliments
le traitement de tumeurs cancéreuses. Cette dernière technique est maintenant courante et il existe en France environ 400 irradiateurs médicaux. Commencent à se développer également, mais en nombre beaucoup plus restreint étant donné le coût, les accélérateurs pour la « protonthérapie ». Il s’agit de machines circulaires (« synchrotrons ») fonctionnant à environ 100 MeV avec des particules lourdes (protons ou ions). Elles sont particulièrement précieuses pour le traitement de certaines tumeurs délicates (du cerveau notamment).
L’étude des objets d’art et d’archéologie

AGLAE est l’Accélérateur du Louvre pour l’Analyse des objets d’art. Inauguré en 1989, c’est un accélérateur électrostatique tandem de 2 millions de volts.

Accélérateur linéaire RF médical pour la radiothérapie (électrons de 10 à 20 MeV produisant des rayons gamma sur une cible en tungstène)
A l’origine, les accélérateurs ont été développés pour étudier la Physique Nucléaire, c’est à dire l’étude des constituants élémentaires du noyau des atomes. Celle-ci s’est ensuite subdivisée en Physique Nucléaire et Physique des Particules. La Physique Nucléaire accélère des ions (atomes chargés) à quelques centaines de MeV pour les précipiter sur des cibles.

Accélérateur circulaire (cyclotron) « CIME » du laboratoire national GANIL à Caen pour l’étude d’ions radioactifs. En rouge, les aimants puissants qui courbent les particules et leur font suivre une trajectoire circulaire jusqu’à ce qu’ils soient extraits de la machine et envoyés vers les aires expérimentales.

La Physique des Particules fait collisionner des particules plus légères (électrons ou protons) à l’énergie la plus élevée possible afin de produire les constituants ultimes de la matière. On construit ainsi des machines d’énergie supérieure à 1 TeV (1 million de MeV !).

Le LEP (Large Electron-Positron collider) est le collisionneur circulaire électron-positron du CERN. L’anneau a une circonférence de 27 km et est enfoui à une centaine de mètres sous terre. Le projet LEP a été mis en fonctionnement en 1989. Son objectif principal était de mesurer avec précision des grandeurs physiques dans le but de tester le Modèle Standard des interactions électrofaibles et fortes. L’accélérateur a aussi permis de rechercher des particules plus lourdes non encore observées dans les autres accélérateurs. Après 12 ans de fonctionnement, il a été définitivement arrêté en novembre 2000. Dans son tunnel est bâti le LHC (Large Hadron Collider) accélérateur de protons de 7 TeV, qui a permis la découverte du fameux « boson de Higgs »

Une application scientifique importante :

« Le rayonnement synchrotron », c’est à dire la lumière émise par des électrons circulant dans des anneaux de stockage. Il est émis majoritairement dans le domaine des rayons X et sa brillance est t 100 millions de fois plus grande que celle des tubes à rayons X « ordinaires » ! Il est utilisé par de nombreuses équipes de scientifiques (physiciens, chimistes, biologistes). L’énergie est de quelques GeV pour des circonférences allant de 100 m à 1 km. Chaque machine peut desservir une quarantaine d’expériences simultanément 24 heures sur 24 !

Plan de l’anneau de rayonnement synchrotron SOLEIL construit à Saclay (Essone) qui a succédé à ACO. Les différentes expériences (lignes de lumière) portent, en général, des noms poétiques ou empruntés à l’astronomie… Les électrons que l’on veut injecter dans l’anneau de stockage sont produits par un linéaire de 100 MeV, puis pré-accélérés par un synchrotron (« Booster ») jusqu’à l’énergie finale (2.75 GeV). La circonférence de l’anneau est de 356 m.

« Le laser à électrons libres », c’est à dire un rayonnement synchrotron amplifié par émission stimulée a également été obtenu depuis 2005. Il nécessite des accélérateurs linéaires : un faisceau de haute énergie (1 à 10 GeV) produit un rayonnement laser en passant à travers une structure magnétique périodique (« onduleur »). On a ainsi réalisé le premier laser à rayons X !

L’accélérateur linéaire SLAC de Stanford (USA) a été reconverti en laser à électrons libres dans les rayons X. « Seulement » 1 km d’accélération, sur les 3 km prudemment utilisés, sont nécessaires pour produire des électrons de 15 GeV et les injecter dans un onduleur de 130 m de longueur.

L’anneau ACO a connu une existence exceptionnelle car il a servi entre 1960 et 1987 de pionnier de nombreux domaines :
2ème anneau de stockage au monde, il a servi à l’étude et la mise au point de ces machines
Des expériences de physique des particules y ont été menées
Il a servi de source de « rayonnement synchrotron » pendant 10 ans avant de céder la place à des machines plus modernes
-Il a servi avec succès de banc d’essai du « laser à électrons libres